Le Temps est un espace comme un Autre

Maintenant il a quitté cet étrange monde un peu avant moi. Cela ne signifie rien. Des gens comme nous, qui croyons en la physique, savons que la distinction entre passé, présent et futur n’est seulement qu’une illusion obstinément persistante.
Lettre à la famille Besso, Albert Einstein (1955)
Ce projet porte sur la question du temps et de notre rapport à celui-ci. Il met en scène les trois Parques, ces fameuses tisseuses du Destin issues de la mythologie gréco-romaine. Chacune a reçu une partie de la vision sur le temps tout entier : passé, présent ou futur. Mais ce qui faisait leur force est maintenant devenue une faiblesse. Loin d’être les divinités auxquelles on s’attendait, elles viennent exprimer la perte de leur union et la difficulté de communiquer et d’agir dans un monde qui a changé. C’est la cohabitation de trois générations qui ne savent plus se supporter et qui n’arrivent plus à se comprendre.

C’est une recherche sur notre temps. Est-ce que l’instant présent est encore vécu aujourd’hui ? N’est-il pas plutôt oublié au profit des problèmes du futur et des pertes du passé ? Et puis, ce temps qui court, au coeur de tous les sujets, qui est-il finalement ?
Durant ce spectacle, il est question de rendre l’homme un peu plus maître de son temps en mettant le doigt sur ce thème aussi bien en paroles qu’en mouvement. En utilisant le langage comme un média qui se transforme et évolue de génération en génération et en utilisant le corps comme notre seul moyen de mobilité à travers l’espace-temps.
C’est enfin espérer que l’homme comprenne que Le Temps Est un Espace Comme un Autre. Un espace dans lequel il faut savoir vivre, habiter, cohabiter mais dont il faut aussi pouvoir émerger.
Nos vies sont encombrées d’activités et d’occupations en tout genre empêchant de se poser cette simple question : « Qu’est-ce qu’il faudrait faire maintenant ? ». Ce qu’il faudrait faire maintenant c’est réveiller le présent. Se redécouvrir comme des êtres capables de voyager dans le temps par la pensée et d’appliquer des solutions maintenant, pour notre futur, grâce à nos connaissances passées. Libérer l’humain du joug du temps.
De même qu’on s’est trompé longtemps sur la marche du Soleil, on se trompe encore sur la marche de l’avenir. L’avenir est fixe, cher Monsieur Kappus, c’est nous qui sommes toujours en mouvement dans l’espace infini.
Lettres à un jeune poète, Rainer Maria Rilke (1904)
Les Trois Parques, Tisseuses du Destin de chaque être humain, sont prisonnières de leur propre vision du temps. Eurydice, plongée dans des visions du passé, se remémore chacun des êtres qu’elle a vu partir. Cassandre, quant à lui, est horrifié de ce qu’il découvre dans un futur qui se rapproche tous les jours un peu plus. Enfin Ariane subit les instantanés des moments présents de chaque être vivant. Elle tente de retrouver et de suivre son propre fil, sans pouvoir y parvenir. Pour pouvoir s’en sortir, elles devront parvenir à se retrouver afin de s’affranchir de cette vision linéaire du temps. Mais peuvent-elles encore y arriver?
Cassandre : T’as peur de l’mort ?
Ces vies sacrifiées, m’a toujours grisée. M’a toujours rendu chose, de voir la vie s’tirper d’un corps. Qu’j’aime ça. La fin de ctchose, une bobine de fil vide qu’on peut j’ter sans s’quiéter.
Eurydice : L’aïeul mourait froid et rigide.
Il avait quatre-vingt-dix ans.
La blancheur de son front livide
Semblait blanche sur ses draps blancs.
Cassandre : Y a pas si l’temps, j’ai vu une bobine qu’était à m’nom. J’me suis dit k’c’était de n’aut’ mais y n’d’a pas de d’aut’ Cassandre à ‘tenant.
Eurydice : Il entrouvrit son grand oeil pâle,
Et puis il parla d’une voix
Lointaine et vague comme un râle,
Ou comme un souffle au fond des bois.
Cassandre : Bon, j’l’ai ‘ttrapé le cancer.
Eurydice : Est-ce un souvenir, est-ce un rêve ?








Ariane : Orgasme
Eurydice : Laisse-nous avancer, nous, tes soeurs !
Ariane : Naissance
Jouissance
Je vis la mort des autres et j’enterre ceux qui ne sont pas encore nés.
Sais-tu combien de vies meurent avant d’avoir été vécues ?
Je, paysage
Champ, pré
J’ai perdu une partie
La cherche des sensations,
Tu crois que
Ça
Fait d’être moi
J’ai beau
À tout moment
Il vient
Un autre
Que j’arrive à écrire
Orgasme
Sais-tu combien ?
* * * * *
Crédits
Ecriture : Loïc Vanden Bemden
Acteurs : Alix de Beaufort, Loris Legnaro, Hyuna Noben
Conception musicale : Adrien Glineur
Conception graphique : Mickaël Boitte
Mise en scène : Loïc Vanden Bemden
Création non-aboutie s’étant conclue dans une « forme teaser » de 20 minutes. Présentée à la bibliothèque des sciences de l’UCL en mai 2017, en partenariat avec la section Son-Corps-Voix et UCL Culture.
Forme Teaser
Ecriture : Loïc Vanden Bemden
Actrices/Acteur : Alix de Beaufort, Loris Legnaro, Hyuna Noben
Conception graphique : Mickaël Boitte
Mise en scène : Loïc Vanden Bemden
Musique : Adrien Glineur & Extraits musicaux de « Being Human Being » d’Erik Truffaz
Création – Mai 2017 – Tous droits réservés
